Dans son dernier ouvrage « sortie 56, chroniques du pays chevelu », Jean Pauly qui a enseigné à l’école de Reyrevignes, se souvient de cette mémoire ouvrière qui a marqué les générations.
Je garde un souvenir ému de mes dernières années de maître d’école à Reyrevignes. J’ai aimé les gens de ce village – tout d’une crête, entre causse et Limargue – pour leur accueil et leur gentillesse. Le jour de la fête de l’école, par exemple, toutes et tous autant qu’ils étaient, venaient, à ma grande surprise, avec leur chaise et leur sourire, se bousculant dans la salle des fêtes, pour assister au spectacle des enfants.
Les jeunes de la région prétendent aussi que la fête votive de cette commune est une des plus sympas de l’été, qu’il y règne une atmosphère particulière de camaraderie et de jovialité.
J’ai pensé que cette différence venait de la Tuilerie. L’histoire de Reyrevignes – comme celle de Cambes – est intimement liée à cette aventure industrielle de plus d’un siècle. Elle aura marqué ses habitants, peu ou prou attachés à la vie de l’entreprise, ouvriers pour la plupart, qui auraient su créer les liens de solidarité et d’entraide propres à leur classe. Le village – pour cette raison même – serait moins encom-bré de conflits de familles et de jalousies paysannes. Mais j’idéalise peut-être…
Toujours est-il que la Tuilerie a été entièrement rayée de la carte, il y a deux ans. Longtemps, après sa fermeture en 1986, les bâtiments abandonnés se laissaient admirer dans le petit hameau de Puy-Blanc. Admirer, oui… parce que magnifiques témoignages de l’architecture industrielle du XIX ème siècle, rouges de briques, avec ses fours, ses hautes cheminées, ses séchoirs, ses « corons ». Mais le temps faisait son œuvre, les toits crevaient, les murs tombaient, les cheminées bran- laient… et les anciens de l’usine disparaissaient petit à petit, témoins affligés de la ruine de l’édifice et de la négation de leur histoire. Rien, il ne reste quasiment rien maintenant, après le passage des engins de
démolition. La Tuilerie aurait certainement mérité une sauvegarde patrimoniale avant qu’elle commence à se désoler. Mais l’argent, versé dans la quête éperdue des profits du futur, n’a pas le souci du passé et, pour les pouvoirs publics, la mémoire ouvrière n’a pas pignon sur rue.
Le livre est disponible dans les librairies de Figeac, Cahors, Gourdon, Bretenoux